Le 6 mars 2001, Ngoc Lan, une immense chanteuse vietnamienne et véritable icône de la diaspora vietnamienne à travers le monde, disparaissait. À cette époque, son nom m’était totalement inconnu.
Vingt-trois ans plus tard, en avril 2024, grâce à une erreur d’aiguillage de Shazam, je découvre son œuvre. En l’espace de sept mois, Ngoc Lan devient mon icône.
Elle aurait eu soixante-huit ans en cette année 2024. J’en ai soixante-sept et je ressens une connexion surréaliste, émouvante et inexplicable avec cette chanteuse qui se distingue parmi mes nombreuses préférences éclectiques. Il y a chez Ngoc Lan quelque chose d’insondable qui la place au firmament de mon esprit, la rendant unique, inexplicable par des mots.
Comme vous le constaterez, dans un esprit de discrétion, je ne fais qu’effleurer les moments de la vie de Ngoc Lan. D’abord, parce qu’en tant que Français, mes connaissances à son sujet sont trop imprécises pour que je m’étale. Cependant, ce dont je suis certain, c’est que Ngoc Lan, tout au long de sa courte vie, fut merveilleusement gentille envers tous. Elle était humble, attentionnée, et sa bonté se lisait sur son visage. D’innombrables commentaires sur YouTube ne disent pas autre chose. Ngoc Lan est vénérée par la communauté vietnamienne…
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Née en 1956 à Nha Trang, au Vietnam, Maria Lê Thanh Lan choisit le nom de scène Ngoc Lan afin de ne pas interférer avec une autre chanteuse vietnamienne…
Lan était la cinquième enfant d’une fratrie de huit. Dès son plus jeune âge, elle aimait chanter, et sa voix si particulière et si douce captivait tous ceux qui l’entendaient. Au fil des ans, elle rêvait de devenir chanteuse et affectionnait les chansons françaises qu’elle fredonnait partout et sans cesse. À l’aube de son adolescence, ses parents prirent conscience de ses dons et l’inscrivirent à des cours de chant et de musique. Encore une fois, la voix angélique de Lan, ainsi que son ton parfait qui la distinguait de toutes ses camarades de classe, impressionna ses professeurs.
Lors d’une première rencontre avec ses parents, l’un d’eux ne tarissait pas d’éloges à son sujet et leur conseilla de sérieusement envisager un avenir de chanteuse professionnelle pour leur fille à la voix céleste. Cette suggestion n’enthousiasma pas ses parents, qui, comme la plupart des familles vietnamiennes traditionnelles, étaient de fervents catholiques romains.
Durant son adolescence, Lan chanta dans la chorale de l’église et participa à divers spectacles scolaires. Ses parents voyaient le rêve d’enfance de leur fille prendre une ampleur considérable, ce qui augmentait leur inquiétude.
Mais en 1975, la chute de Saïgon survint. La victoire du communisme entraîna des bouleversements dramatiques, et les rêves d’enfance de Lan s’écroulèrent.
En 1980, Lan et sa famille trouvèrent refuge aux États-Unis, dans le Minnesota. Elle se lança dans le chant pour la communauté vietnamienne sous le nom de Ngoc Lan, « orchidée de jade », un nom qui ne la quitterait plus et qui la hisserait au sommet de la chanson vietnamienne et asiatique.
En 1982, Ngoc Lan s’installa en Californie, où elle enregistra pour plusieurs maisons de disques. Sa notoriété grandissante lui valut un contrat exclusif pour se produire dans une discothèque et donner des concerts en direct à destination du public vietnamien disséminé à travers le monde.
En 1985, seulement trois ans après avoir quitté le Minnesota pour s’établir en Californie du Sud, Ngoc Lan s’était déjà fait un nom dans le monde de la musique vietnamienne. Grâce à sa voix douce, apaisante et si particulière, son premier enregistrement professionnel suscita rapidement l’intérêt de l’industrie musicale vietnamienne. Sa tonalité parfaite et sa maîtrise vocale faisaient de chaque enregistrement en studio une tâche d’une facilité déconcertante. Au milieu des années 80, le style de chant captivant de Ngoc Lan conquit le cœur du public vietnamien, et son rêve d’enfance de devenir chanteuse professionnelle se concrétisa.
Bien qu’elle soit devenue une figure emblématique de l’industrie de la musique pop vietnamienne grâce à ses nombreuses chansons enregistrées sur diverses compilations, Ngoc Lan était encore en quête de sa véritable consécration.
Le tremplin dont elle avait besoin pour asseoir sa célébrité était sans conteste son premier album solo. Avant même sa sortie, les échos enthousiastes et les critiques élogieuses se multipliaient. Cet aspect ne fit que se confirmer au fur et à mesure que sa popularité et sa base de fans grandissaient. Rapidement, de nombreux producteurs de différents labels vietnamiens prirent contact avec elle pour lui proposer de réaliser cet album. Ngoc Lan déclina poliment toutes leurs offres. Perfectionniste, elle prit la décision audacieuse de produire elle-même son album.
Après quelques retards, « Tieng Hat Ngoc Lan » vit le jour en 1986. Cet album était une délicate fusion de chansons d’amour en français et en vietnamien. Ngoc Lan savait que ses fans appréciaient ses interprétations de chansons françaises et suivit son instinct, pensant qu’elle pourrait trouver sa voie dans ce répertoire. Pour son plus grand bonheur, ses prévisions s’avérèrent justes. L’album rencontra un succès phénoménal et fit d’elle une star.
Les années suivantes, les succès de Ngoc Lan atteignirent des sommets encore plus impressionnants, la propulsant au rang de superstar, de diva. Un emploi du temps chargé la contraignait à voyager chaque semaine vers des destinations lointaines. À l’apogée de sa carrière, le public vietnamien à travers le monde, captivé par sa voix envoûtante, l’obligeait à planifier ses spectacles jusqu’à deux ans à l’avance.
Ses deux albums solos suivants rencontrèrent un succès encore plus retentissant, faisant d’elle l’artiste vietnamienne numéro un. En 1992, cinq ans après sa sortie initiale, l’un de ses albums fut réimprimé à huit reprises en cassettes audio, avant d’être réédité pour la cinquième fois en disques compacts. Cet album de musique pop vietnamienne devint le plus vendu jamais produit aux États-Unis. Les succès phénoménaux de ses deuxième et troisième albums la rendirent difficilement égalable, voire impossible à surpasser. Ngoc Lan entrait dans la décennie de 1990 installée au firmament de la chanson vietnamienne.
Cependant, plusieurs événements tragiques surgirent, la contraignant à annuler certaines de ses prestations, provoquant la déception de ses admirateurs. Le premier fut l’assassinat de sa sœur, propriétaire d’un magasin d’alcool, lors d’un braquage en 1992. C’est également à cette période que Ngoc Lan commença à faire face à d’étranges problèmes de santé. Les médecins, incapables de donner un diagnostic précis, Ngoc Lan annonça à ses millions de fans à travers le monde que la mort de sa sœur était la principale raison de l’annulation de ses spectacles, touchant ainsi leurs cœurs.
Après une recherche médicale longue et éprouvante, le diagnostic tomba : elle souffrait de sclérose en plaques.
Ngoc Lan choisit de se marier et, en 1994, elle épousa K. K. lors d’une petite cérémonie privée. Ils achetèrent une maison dans un quartier résidentiel en Californie, où un studio d’enregistrement fut aménagé.
Sa sclérose en plaques semblant entrer en rémission, Ngoc Lan ressentit le besoin de faire son retour sur scène. Elle organisa un spectacle hyper médiatisé où elle tenta, sans succès, de donner le meilleur d’elle-même devant des fans attristés par son état, qu’elle ne parvint pas à dissimuler.
Au cours des années suivantes, Ngoc Lan tint à garder ses problèmes de santé privés. Elle continua à travailler d’arrache-pied, enregistrant de nombreux albums et des centaines de chansons, tournant et apparaissant en vidéo autant que sa santé le lui permettait. Cependant, lors de l’une de ces apparitions (je pense savoir laquelle, où elle était guidée sur scène à travers une magnifique mise en scène), il devint évident pour le public que sa maladie lui avait, entre autres, ôté la vue.
C’est également durant cette période, je crois, que Ngoc Lan effectua un retour de courte durée au Vietnam, son pays natal, avant de revenir aux États-Unis pour poursuivre sa carrière musicale au sein de sa communauté.
Ngoc Lan fit sa dernière apparition en 1998. Le 6 mars 2001, elle perdit sa longue lutte contre la sclérose en plaques, laissant derrière elle un héritage musical précieux et incomparable, ainsi que l’image d’une femme, déjà ange de son vivant.
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Ngoc Lan est enterrée au cimetière de Garden Grove, en Californie, aux États-Unis.
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Nous voici au terme de ce que j’ai ressenti comme un appel inexpliqué à partager son histoire. Comment expliquer ce phénomène que je ne peux nommer que le hasard, alors que je ne crois pas du tout en son existence ? C’est fascinant de constater qu’il a mis Ngoc Lan sur ma route à la faveur d’une erreur d’aiguillage de Shazam en avril 2024. Jusqu’à Ngoc Lan, je n’avais jamais écouté de chanteurs asiatiques.
Pour vérifier si ce n’était pas un simple mirage, j’ai exploré d’autres artistes vietnamiens. Bien sûr, j’ai découvert de belles voix et des talents indéniables, mais aucune chanteuse n’a réussi à ébranler mon être comme le fait Ngoc Lan.
Je termine donc ce texte par cette question qui restera sans réponse : pourquoi ai-je éprouvé le besoin d’écrire sur Ngoc Lan, d’écrire sur une chanteuse dont j’ignorais l’existence il y a sept mois ?
CV, le 22 novembre 2024.
Quelques vidéos parmi plusieurs centaines présentes sur YouTube :
Des images rares, de 1984 ! Son doux visage témoignait déjà de sa gentillesse et de son humilité, des traits qui la définissaient. Cependant, la splendide orchidée de jade n'avait pas encore éclos.
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