« Tant qu’il y aura des hommes, le temps verra passer la tour Eiffel dans son éternité. Quand les hommes ne seront plus sur terre, elle rouillera puis elle disparaîtra. Rien n’est éternel, le temps ne passe pas, seul le T.E.M.P.S passe tant qu’il y aura des hommes. »
le 26 février 2023
le 26 février 2023
Année 2019
Nous sommes courant novembre de l’année 2019 et je commence l’écriture de ce texte qu’un lecteur aura peut-être sous ses yeux dans quelques décennies à la faveur d’un accident numérique… Ce lecteur aura donc forcément tapé (mais les tapera-t-on encore ?) ces quelques mots-clés : #temps #Vie #Mort #après #avant #pourquoi #rien #tout #début #fin #toujours #recommencement…
En cette fin d’année 2019, je vois poindre à l’horizon le mois de mars qui m’a vu naître, puisqu’en mars prochain, j'atteindrais peut-être mes soixante-trois ans. Soixante-trois ans ! « Dieu » que c’est difficile à écrire… Soixante-trois ans ! C’était il y a bien longtemps, oui, mais bien longtemps pour une vie d’homme devant l’éternité ce n’est même pas un flash. En ce début de XXIe siècle, elle nous semble à nous les hommes, de plus en plus courte notre vie. Et pour ne rien arranger à nos vies, la France vient de placer à sa tête une grande fatuité qui ignore les nombreuses gares où descendent trop tôt et contre leur gré nombre de femmes et d’hommes… Dans les prochaines années, les Français devront probablement travailler jusqu’à soixante-cinq ans. Tout se met en place avec la complicité de dents longues qui rayent les parquets et ne savent pas que le temps les attend aussi.
Où m’emmènera ce texte ? Un texte forcément impossible à terminer, ni par moi ni par personne. Aura-t-il seulement un lecteur ? Je ne sais rien de tout ça. Je ne sais même pas ce que je vais pouvoir écrire en rapport à cette obsession que j’ai depuis le plus loin que je me souvienne, l’obsession du temps…
Le temps ! Le temps c’est la vie et une vie n’a qu’un seul chapitre rythmé par des paragraphes. Un chapitre avec une fin lisible seulement par les vies suivantes. Que de fins déjà lues ! Où en sont-ils au-delà de leurs chapitres lisibles par leur descendance, ont-ils continué au-delà du lisible ?
Cinquante-sept ans ! C’est étrange, je suis de 1957 et ce n’est pas le fruit de mon imagination, mais je me revois calculant la probable longueur du chapitre lisible de mon grand-père maternel, alors âgé de cinquante-sept ans. J’en ai soixante-deux aujourd’hui et son chapitre lisible s’est terminé il y a des décennies. J’espère par ces lignes continuer d’écrire son chapitre lisible, comme lui-même l’a fait pour ceux de son avant. Et sa femme, ma grand-mère, partit beaucoup plus tard que lui à quatre-vingt-dix-huit ans dépassés, après une vie de travail commencée à douze ans dans les champs… Je l’entends encore me dire : « Les morts il faut les laisser tranquilles. Ils ne demandent plus rien les morts ! »
Rien ! Et s’il n’y avait rien après ? Beaucoup affirment qu’il n’y avait rien avant et qu’il n’y a aucune raison d’avoir peur qu’il n’y ait rien après, ce serait comme avant. Rien ? Le plus idiot emmagasine des connaissances infinies et tout ça pour rien ? Les religions ? Et si l’homme les avait inventées pour aller au-delà de sa non-lisibilité ?…
Comme tous les hommes depuis la nuit des temps, les questions sur l’existence ou la non-existence de l’après et de l’avant. Les univers, notre monde, les femmes, les hommes, les animaux, chaque être vivant, l’herbe, les arbres, les plantes, les choses jusqu’aux plus insignifiantes. Comment et pourquoi sommes-nous ici, ou ailleurs, où sommes-nous ? Qui tient tout ça ? C’est aussi fou de croire que de ne pas croire. Notre terre, les planètes et leurs satellites, les météorites, etc. Les savants et les sachants nous ont expliqué comment tout cela tient, il n’y a presque plus aucun mystère, si ce n’est qui a assemblé, qui a créé et qui tient tout ce qui est censé nous tenir et tout tenir ? Que quelqu’un apporte un jour la réponse, une autre question fusera aussitôt : qui ou quoi a créé le ou les créateurs découverts ? Une question sans fin. Et qu’est-ce que la fin ? Y en aura-t-il une ? La réponse est probablement, oui, puisque tout recommence toujours.
Toutes les connaissances que nous accumulons sont suspendues au fil du temps. Nos amours, nos désamours, nos amis, nos ennemis, des inconnus même ; nous avons en mémoire tant de visages… Nous accumulons des milliards de choses dans nos vies… Et tout cela ne pourra qu’au mieux finir en souvenirs et uniquement le temps de notre vivant. C’est absurde, mais de cette absurdité aucun d’entre nous ne s’en souviendra.
Mais le temps existe-t-il ? T.E.M.P.S. un simple assemblage de lettre comme beaucoup d’autres inventions des hommes qui décident de ce qui existe et de ce qui n’existe pas. Nous décidons quels êtres vivants pensent ou ne pensent pas. Nous nous sommes même approprié le rire.
À notre naissance, nous sommes lancés sur des milliards et des milliards de routes, chacun la sienne. Des autoroutes, des départementales, des chemins de traverse, de simples sentiers, pour finalement rouler tous à la même vitesse ; l’unique différence, la distance qu’il nous est permis à tous de parcourir individuellement. Pourtant, chaque homme veut toujours aller plus vite, être le plus rapide. Cette volonté multipliée par des milliards d’individus aboutit à une folie planétaire : gagner du temps pour tout faire toujours plus vite, même mourir. Ces grandes entreprises qui génèrent burn-out et suicides à gogo gagnent du temps en raccourcissant la vie des hommes.
Jamais notre société encore à cheval entre le XXe et le XXIe siècle n’aura eu autant de mémoires, mais jamais elle n’en aura peut-être eu si peu. Que restera-t-il des contemporains de ces siècles ? Des friches industrielles, des bardages métalliques ? Que serait la pyramide du Louvre, sans le Louvre ? Et notre tour Eiffel ne sera éternelle que tant qu’il y aura des hommes pour la régénérer pièce par pièce…
De nos galeries marchandes sans âme, on ne se souvient même pas des magasins disparus. Ces lieux n’ont pas d’âmes, ils n’ont pas la mémoire du temps… Nous cassons, nous démontons tout, plus de trace, rien, pas un souvenir. Étrange société que nous avons engendrée. Les enseignes changent sans que l’on se souvienne des précédentes, ni même si une autre avait précédé la future oubliée à la mode pour cinq, dix ans, au maximum, rien ne dure vingt dans ces lieux mort-nés.
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